poèsie en liberté

Quand je pense « éminence grise » et que je ferme les yeux, j’aperçois Richelieu, Médicis, Pompadour, Joséphine et même Sissi, personnages depuis bien longtemps sortis des coulisses de l’histoire. 

J’en profite, au passage, pour rendre hommage à toutes ces éminences féminines qui, du plus profond des temps, ont guidé les choix de nombreux hommes de pouvoir.

Qu’elles aient été gouvernantes, reines, épouses ou simples maîtresses, leurs fonctions « d’éminence » étaient bien souvent subordonnées à leur rang mais aussi à leur âge, à la beauté de leurs traits mais plus justement encore à la vivacité de leur esprit. « Si le nez de Cléopâtre eut été plus court… », nos manuels d’histoire/géo seraient sans doute à revoir.

Pour remonter aux sources je pense à cette terrible éminence de Socrate qui lui fit remettre en cause l’existence des dieux de l’époque. Une perfide éminence qui lui coûta la vie comme quoi il est parfois préférable de garder certaines réflexions pour soi.

Je pense aussi aux éminences grises de Colomb, Copernic ou Galilée qui, toutes trois réunies, ont réussi, non sans mal, à nous prouver que notre terre est bien ronde mais qu’en plus elle tourne. De là à savoir si elle tourne rond … C’est un autre débat.

Pour rester dans le domaine scientifique, j’aurais aimé connaître l’éminence de Newton regardant tomber cette pomme par terre et en déduisant, par la suite, que les corps terrestres étaient soumis à une gravité universelle. Depuis, quand par hasard, je manque d’appui et que je chute, (ce qui m’arrive encore assez souvent), au moins, je sais pourquoi.

Il en va de même pour Archimède que j’imagine dans son bain constatant tranquillement qu’à mesure que son corps se glissait sous l’eau, ce dernier se faisait de plus en plus léger.

Depuis tous les élèves se heurtent à cette poussée et je ne parle pas d’Einstein ni de sa relativité beaucoup trop complexe à comprendre et encore plus à expliquer. Car si j’imagine deux corps de corpulence différentes plongés dans deux baignoires de contenance inégale, situés chacun dans deux trains se croisant à une vitesse relative dans deux espaces-temps opposés, là je perds pieds et me noie immédiatement.

Pour en finir avec l’aspect scientifique, je salue les nombreuses éminences grises qui ont réussi à créer le chiffre pi, qui n’en finit plus de s’étaler à l’infini dans le seul but de nous aider à calculer la circonférence d’un cercle.

Et d’une même « Pi R2 de coup » je tire mon chapeau aux éminences auxquelles l’on doit la création des nombres irréels et notamment à ce petit i qui au carré est égal à - 1. J’avoue qu’après toutes ces années passées à intégrer le postulat qu’un carré n’est jamais négatif, j’ai été émerveillée de voir naître ce petit i, qui, de suite, m’a séduit, me faisant hésiter, un instant, entre une carrière dédiée aux chiffres plutôt qu’aux lettres.

Mon choix étant fait, pour passer au monde littéraire, j’aurais aimé guider la plume de mon bel ami Maupassant qui, en digne Normand, osa achever son roman « Une vie » par cette merveilleuse phrase « La vie voyez-vous, ce n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on le pense »…, clouant le bec par la même occasion au célèbre « être ou ne pas être » que, du haut de son génie, Shakespeare nous livre, telle une équation impossible à résoudre… De là s’ouvre un monde à nos pauvres éminences encore plus contradictoire et complexe qu’il n’y paraît.

Alors oui, merci à toutes ces éminences grises qui parfois se posent discrètement sur l’esprit de quelques privilégiés ou non…. Personnellement, je préfère me passer de certains privilèges qui pourraient nuire à ma douceur de vivre.

Je remercie enfin le ciel de ne pas m’avoir pourvue d’une éminence grise supérieure m’expliquant pourquoi, quelques secondes à peine après sa naissance, mon fils trouva sans encombre mon sein pour le téter. Parce qu’il est des secrets qui doivent demeurer inexplicables si l’on souhaite préserver toute leur beauté et toute leur magie.